L’empire a été la pépinière du transport aérien français. Entre des États vastes, mais faibles comme la Chine dont le ciel est colonisé par les Américains, les Allemands ou les Japonais, et les États-Unis, étendus et assez puissants pour développer une aviation de transport, les pays européens et en particulier la France sont coincés dans leurs étroites frontières. L’Empire est naturellement devenu le prétexte, le support et le cadre des rêves des pilotes, des investisseurs et des politiques pour développer cette nouvelle activité.
La ligne d’Orient, « le Paris-Saigon » est au cœur de cette trajectoire. Elle débute à l’apogée de l’empire en 1926 et se termine en 1954 avec la perte de l’Indochine. Mais elle est aussi la structure sur laquelle s’est constituée la compagnie nationale de transport aérien. C’est l’histoire de la liaison par avion reliant l’Indochine à la France, entre sa conception et sa disparition. En 1926, le gouvernement imagine un plan pour l’aviation française dans lequel Air Orient, opérateur de la ligne, joue un rôle central. Les premiers vols sont des exploits puis l’activité se professionnalise et le marché se mondialise jusqu’en 1940. Détruite par la guerre elle survit et renaît dans l’empire. Après 1945, l’aviation marchande s’ouvre au libéralisme et la guerre d’Indochine favorise le développement des compagnies à l’abri des frontières de l’Union. Mais en 1954, la perspective de la perte de la colonie, l’arrivée des avions à réaction et l’essor de la classe touriste, provoquent la fin de la ligne impériale. C’est le début du transport aérien contemporain.
Dépouillé des récits légendaires, ce livre fait le portrait des navigants, du personnel au sol, des hommes d’affaires et de gouvernement qui ont réalisé ce projet. Il relate aussi bien les tâches quotidiennes, le cadre matériel que les grands desseins. Il cherche enfin, à dresser un bilan de cette exploitation et met en exergue l’empreinte coloniale qui marque encore profondément le transport aérien aujourd’hui.