Les colonisateurs ont souvent tenté de faire passer la répression des populations dominées comme un acte de police « normal », contrôlé ou prolongé par la meilleure des justices… Cela en vertu d’un pouvoir de violence qui serait la prérogative d’un État lui-même « normal »… C’est oublier que le pouvoir colonial est un « État d’exception ». Si les modes d’exploitation et les fonctions dévolues aux indigènes évoluent au fil des décennies coloniales, ces évolutions s’opèrent dans un cadre qui, lui, ne bouge pas… et ne doit pas bouger : celui de la domination d’un peuple sur les autres ; c’est-à-dire, inéluctablement, celui de la violence faite par un peuple aux autres. On aura beau tourner la question coloniale en tous sens, on ne peut donc faire l’économie d’une de ses constantes, indissociable du maintien sous tutelle et en situation d’infériorité : la répression, brutale ou quotidienne, toujours en état de vigilance. Au fil des différents articles de cet ouvrage, les meilleurs spécialistes actuels des sociétés non-occidentales éclairent différents aspects de cette répression : la répression « brutale », les « régimes » et appareils répressifs, les procédures de neutralisation des individus – notamment les bagnes –, les tentatives d’étouffement des mouvements sociaux et de contrôle des opinions. Enfin, l’ouvrage se prolonge par l’examen de la question dans des situations coloniales contemporaines, au Bangladesh, au Tibet.