Tadjikistan, 1989. La perestroïka bat son plein dans cette petite république d’Asie centrale frontalière de l’Afghanistan. Si elle est la plus pauvre de l’Union soviétique, sa capitale, Douchanbeh, abrite une intelligentsia artistique et littéraire originaire de toute l’Union. Avec plus d’acuité qu’ailleurs, dans une URSS qui sait alors ses jours comptés, se pose la question de la relation à un territoire, à un passé hérités de la colonisation russe puis de la soviétisation. Une génération de jeunes écrivains anticonformistes interroge cet héritage, à la lumière de sa redécouverte graduelle de l’histoire du xxe siècle et des scandales écologiques qui suivent la catastrophe nucléaire de Tchernobyl, en Ukraine. La plupart sont issus des hautes vallées de ce pays de montagne, qui ont été vidées de leur population sous Staline et Khrouchtchev, déplacée pour aider au développement industriel de l’agriculture cotonnière. Au cœur de leur travail : le « retour » (en persan tadjik, bazgasht) impossible vers des hautes terres idéalisées, que leurs parents ont dû abandonner à partir du lendemain de la Seconde Guerre mondiale, et l’accommodation à une société agro-industrielle qu’une longue succession de violences politique apparente, pour certains, à un vaste cimetière. Au service de cette écriture : un recours décalé aux genres rois que sont la nouvelle dans la littérature russe et l’essai-reportage dans la littérature soviétique, interprétés comme variantes grinçantes du conte populaire persan.