Après m’être intéressé aux livres de Pierre Loti (articles, colloques, éditions critiques), à son enfance, à sa Maison, à ses voyages, à ses portraits, à ses photographies, à ses dessins, à son Journal, à ses goûts musicaux, j’aborde cette fois un nouvel aspect de ce personnage si complexe, si fascinant : ses vies amoureuses. Le pluriel s’impose en ce domaine où Loti est encore plus insaisissable qu’ailleurs : vie sentimentale, vie érotique, vie conjugale, amour paternel, amitiés passionnées féminines ou masculines, passions dévorantes et à chaque fois plus fatales que la fois précédente, mariages pour rire ou pour de bon, bigamie plus ou moins officielle, duchesses ou princesses, actrice parisienne célèbre ou prostituées de la kasbah, gitanes ou portefaix, rencontres de hasard ou rendez-vous longuement désirés, le désir de Loti ne connaît ni limite ni tabou. Et puis, au centre, l’amour pour sa mère, le seul qui ne le déçoive pas, qui le rassure, qui lui permette d’échapper à l’angoisse du temps qui passe, de la jeunesse qui s’enfuit.
Tout cela, c’est Loti qui l’écrit dans son Journal. Ce livre est avant tout un montage d’extraits du Journal, qu’accompagnent quelques commentaires qui disent, avec un peu d’ironie parfois, mon étonnement ou mon scepticisme. Mais aussi mon admiration devant l’art avec lequel Loti joue avec le thème – répétition et variations – et les circonstances : l’amour au fond de la jungle de Singapour est bien différent de l’amour sur la tourelle d’Hendaye. Le Journal a été censuré, par Loti lui-même et par ses héritiers : l’étonnant est qu’il nous permette encore d’évoquer cette vie amoureuse si multiple, si surprenante avec tant de savoureux détails.