Le sesquicentenaire de la Commune de Paris a laissé dans l’ombre les condamnés à un exil perpétuel en Nouvelle-Calédonie. Si le nom de Louise Michel n’était indûment associé au bagne, il ne serait plus guère question des 4 000 insurgés que les conseils de guerre ont envoyés aux antipodes pour expier trois types de peine en trois lieux distincts : les travaux forcés à l’île Nou, la déportation en enceinte fortifiée à la presqu’île Ducos et la déportation simple à l’île des Pins. Après le temps des grâces individuelles parcimonieusement accordées, il leur fallut attendre, pour la grande majorité d’entre eux, l’amnistie partielle de 1879 et l’amnistie plénière de 1880 pour retrouver le sol métropolitain qu’ils avaient parfois quitté neuf années plus tôt.
Les témoignages largement inédits de quelque 500 d’entre eux permettent de mesurer les difficultés d’une existence quotidienne confrontée à la misère matérielle, au manque de travail ou à l’intermittence du courrier ; les inquiétudes suscitées par la situation de leurs familles demeurées à Paris ou venues partager leur sort incertain ; les aléas de la vie communautaire, animée par les oppositions entre « intransigeants » et « repentis », blanquistes et « internationalistes », voire « éléments sains » et délinquants de la « Tierce », ou simplement aigrie par le « lancinant passage des jours » ; les relations conflictuelles avec l’administration pénitentiaire et les aumôniers, défavorablement prévenus à l’encontre de révolutionnaires ayant défié le gouvernement légal et mis à mort l’archevêque de Paris ; l’indifférence à l’égard des Kanak, qu’ils les côtoient ou non, jusqu’à l’insurrection de 1878 dont ils espèrent, très majoritairement, qu’elle sera réprimée ; s’y ajoute un intérêt distant porté à la nature tropicale par ces citadins, sinon à l’occasion des tempêtes cycloniques qui balaient leurs fragiles paillotes ; reste enfin la conviction, solidement partagée, qu’ils ne devaient pas désespérer de l’avenir.