On a pu parler pour le XVIIIe siècle d’une « Europe chinoise ». La Chine était alors connue grâce aux écrits des missionnaires jésuites et des voyageurs ; des philosophes comme Leibniz ou Voltaire s’enthousiasmaient pour sa culture et son mode de gouvernement : l’empereur devint l’archétype rêvé du monarque éclairé, tandis que l’engouement pour l’Empire du Milieu se manifestait dans la peinture, l’artisanat et même l’architecture. Au XIXe siècle, après la dissolution de l’Ordre des jésuites, avec l’avènement d’une approche scientifique des savoirs, dans le contexte d’une concurrence exacerbée entre les nations, les idées sur la Chine évoluent. Les textes et les objets continuent de circuler, les savoirs s’affinent, l’imaginaire s’enrichit malgré la permanence des stéréotypes et la sombre actualité des conflits coloniaux.
Le présent recueil retrace ces mouvements depuis la création de la première chaire européenne de chinois au Collège de France en 1814 jusqu’à la renaissance artistique du début du XXe siècle, favorisée par le contact de la Chine, l’entremise des traducteurs, des collectionneurs et des archéologues, qui lui apportent une contribution remarquable. Sans prétendre à l’exhaustivité, l’ouvrage dessine un espace d’accueil européen et, plus spécifiquement, franco-allemand : c’est ainsi que l’héritage de la Chine devient aussi fondamental que celui de la Grèce.