La première édition de ce livre est parue en 1970, la deuxième en 1998. L’édition proposée ici, revue et corrigée, n’est pas une mise à jour mais le « film » du regard qu’un jeune chercheur tente, à l’époque, de poser sur une des énigmes qui se présente à l’historien, le quasi-silence des esclaves. Ce n’est pas pour recueillir leurs paroles qu’ont été achetés des êtres humains, mais pour en tirer un profit ou un plaisir. Le silence a fait tache d’huile, silence de l’esclave, et sur l’esclave. Le « groupe écrivant » n’a guère produit que sur les aspects économiques et « criminels » des esclaves, s’attardant sur l’indigence ou l’atrocité d’une sous-humanité considérée comme tantôt bouffonne, tantôt criminelle. L’oralité tient une grande place dans la mémoire des esclaves-rebelles. Dans le chant, la danse, les proverbes, les contes, pointe la révolte. Elle s’affirme dans le marronnage, la magie, le suicide et le complot – parfois le meurtre. L’auteur cherche à rompre le « silence » des intéressés, en suivant les traces qu’eux-mêmes, par une de leurs rares actions volontaires, ont laissées ; et il s’efforce de les saisir dans leur totalité d’êtres semblables à tout autre, refusant les chaînes, le mépris, l’avilissement. Ce « texte d’une puissance et d’un intérêt rares » (Mohammed Aïssaoui, journaliste au Figaro littéraire) marque toujours les études sur l’esclavage, et mérite amplement cette nouvelle édition.