La mémoire nationale a longtemps désigné le « bloc conservateur de l’Ouest » comme l’espace politique caractéristique du maintien des traditions religieuses et sociales et de leur traduction politique. La réalité est plus nuancée et fait apparaître des territoires en contradiction avec cette image convenue. André Siegfried avait qualifié la Cornouaille, c’est-à-dire essentiellement le sud du département du Finistère, de « berceau de la République » et de « foyer originel des idées démocratiques en Bretagne ». Plusieurs facteurs y concourent : l’héritage révolutionnaire est présent dans les villes et le principe de l’égalité a essaimé dans les campagnes ; le prolétariat maritime est à la source d’un véritable « sans-culottisme » ouvert aux idéologies de contestation ; la petite bourgeoisie des nombreux petits centres urbains se réclame de la modernité ; enfin, le « catholicisme bleu » y sépare souvent la foi religieuse des engagements profanes. La Cornouaille est, dès 1870, un espace politique ouvert. Si elle se reconnaît dès juillet 1871 dans la République modérée, elle n’en est pas moins sensible aux courants du radicalisme et du socialisme : le premier, présent dans les ports dès 1870, se répand dans les campagnes à la fin du siècle ; le second, sous sa forme anarcho-syndicaliste, essaime à partir de ses bases brestoises et nantaises au début du XXe siècle.