L’histoire n’a jamais été pour Michelet ni un jeu, ni une discipline qui se limite à établir la vérité sur le passé. L’histoire fut pour lui une manière de regarder le monde contemporain qui, en dévoilant la puissance du passé sur le présent, détruit, abolit, subvertit le passé comme catégorie temporelle fermée. Cette idée de Michelet n’est pas étrange dans notre monde post-moderne puisque ce qui nous en rapproche tient précisément dans la parenté entre sa vision pré-positiviste et la nôtre, post-positiviste. À l’inverse du positivisme, Michelet refusait de considérer le passé comme une catégorie fermée, une chose morte, que les historiens peuvent disséquer scientifiquement comme on dissèque un cadavre. À cet engagement historique se liait — et c’est un autre aspect de la « subversion du passé » — un engagement dans son époque, la conscience que passé et présent sont inséparables et que le travail dit « scientifique » dépend toujours des valeurs et des engagements du savant. Mais il se pourrait aussi que la plus importante subversion du passé chez Michelet, ait été celle de son propre passé, en changeant fondamentalement sa conception de la nature et de la femme après 1840. Les recherches d’Arthur Mitzman se situent à l’intersection de l’histoire des idées et de l’histoire sociale. Il est l’auteur de livres et d’articles sur l’histoire de la sociologie allemande, comme The Iron Cage. An Historical Interprétation of Max Weber (Knopf, 1970) et sur la culture française du XIXe siècle (Michelet, Historian, Yale U. P. , 1990). Il contribue, sous la direction de Louis Le Guillou, à l’édition de la Correspondance Générale de Jules Michelet. De nationalité néerlandaise et américaine, Arthur Mitzman a enseigné à l’Université d’Amsterdam de 1971 à 1997. Ce livre reprend les quatre leçons qu’il prononça au Collège de France en 1998.