L’ouvrage du prêtre Nguyễn Hữu Lễ, originaire de Vinh Long, est le récit détaillé d’une plongée hallucinante et absurde dans l’univers carcéral du Viêt-Nam communiste. Mais c’est surtout un récit à l’échelle humaine, une histoire d’en bas, celle des concentrationnaires et de leurs relations complexes dans une situation de survie. Ce récit aux accents balzaciens et sociologiques fait surgir des personnages de l’ombre, les oubliés de la rééducation, le petit peuple des prisons. Arrêté en mai 1976 dans la jungle des hauts plateaux, le père Lễ expose avec moult détails la descente aux enfers qu’il dut subir pendant onze ans de mai 1976 à l’été 1988. « Onze années à survivre dans les prisons du Nord » dont près de dix ans dans le sinistre camp de Thanh Cam comme de nombreux autres compatriotes du Sud. La liste des prisons et des camps défile comme autant de moments clés de ce déchaînement de haine pour avilir le vaincu. Ceci marque le départ de la lourde punition que le Nord compte infliger à ce Sud rebelle qui, de 1955 à 1975, osa faire face au totalitarisme nordiste. À l’heure où l’altruisme fait défaut dans nos sociétés développées et atomisées il faut lire ce livre avec attention. En gardant la même ouverture d’esprit que son auteur (et son détachement), on peut saisir les ressorts d’une humanité mise à mal et qui a perdu son essence dans le goulag vietnamien. Mais tout n’est jamais définitivement perdu et la note d’espoir que le père Lễ nous insuffle en fin d’ouvrage est une belle leçon de vie, la vie à tout prix.