Pour en faire de bons catholiques, il faut tout d’abord que les Indiens deviennent des hommes et ensuite leur enseigner la doctrine chrétienne ». Cette réflexion traverse toute l’époque coloniale. En effet, la découverte de l’Amérique et la conquête des terres andines s’accompagnent d’une politique de transformation des sociétés indigènes en étroite relation avec l’évangélisation, sous le regard de l’Eglise catholique, pièce maîtresse et pilier de cette action. La conquête spirituelle des populations amérindiennes associée à celle des corps et au remodelage des modes de vie traditionnels est connue sous le nom de policía cristiana. Cette lame de fond puise ses racines dans l’époque médiévale, elle-même héritière d’une longue tradition antique que l’auteur étudie avec précision. Il s’agit de changer l’Homme américain en façonnant son corps, son apparence autant que son âme, en s’attachant à modifier radicalement son rapport à l’hygiène, ses vêtements, ses gestes, son environnement quotidien pour qu’il entre de plein pied dans la « civilisation ». Cette perspective inédite qui mêle histoire et anthropologie permet à l’auteur de poser la question de la réussite ou non du projet évangélisateur et, dans une optique plus large centrée sur le temps long de l’histoire, Jérôme Thomas examine comment les schèmes de pensée du XVIe siècle, liés aux bons comportements, permettent d’alimenter le débat contemporain sur la question de l’altérité et du sous-développement en relation avec l’idée de civilisation. Un livre passionnant au cœur des sociétés andines et un regard sensible sur la manière dont est perçu l’« Autre » amérindien depuis le XVIe siècle.