La France est en état de siège depuis août 1914, ce qui a des effets directs sur les flux migratoires : les ressortissants des puissances ennemies sont tenus de quitter la France, tandis que ceux qui appartiennent à des États neutres rentrent chez eux. La guerre interrompt par conséquent l’immigration dite « libre » en France et provoque en plus le départ de milliers de travailleurs étrangers. Les entreprises, souvent durement atteintes par la mobilisation de leurs effectifs, ne peuvent plus recruter de la main-d’œuvre librement à l’étranger. C’est donc l’État qui prend en charge, pour la première fois, le recrutement massif de travailleurs, leur acheminement, leur placement dans les usines ou les campagnes, et même la gestion de leur vie quotidienne : Européens, habitants des colonies, auxquels il faut ajouter environ 37 000 Chinois, en théorie recrutés comme ouvriers civils mais en réalité traités et administrés comme des coloniaux.
La Grande Guerre n’est pas qu’un conflit mondial du point de vue militaire, elle l’est également du point de vue de la main‑d’œuvre et des auxiliaires des différentes armées. Ainsi l’armée britannique recrute de la main‑d’œuvre coloniale et, comme la France, chinoise : environ 100 000 hommes, les Chinese Labour Corps (CLC) – littéralement le corps de travailleurs chinois – sont acheminés vers la France à partir de 1917.
La présence chinoise en France durant la Première Guerre mondiale représente donc un épisode migratoire majeur, limité dans le temps – la quasi-totalité d’entre eux sont rapatriés après le conflit – résultant de la volonté de plusieurs États souverains et alliés, mais dont les conséquences en termes sociaux, culturels ou économiques se situent principalement sur le territoire hexagonal.