En 1999 se tenait à Lyon, à l’invitation de l’Association des ruralistes français, un important colloque européen sur l’héritage scientifique, à trente ans de distance, des Agrariens français de Méline à Pisani, ouvrage de l’historien Pierre Barral. En la présence de l’auteur, ce sont plus de trente chercheurs de toutes les disciplines intéressées au « rural » – historiens, sociologues, politistes, géographes, ethnologues… – qui se sont penchés sur la genèse sociale, la dynamique politique, la rationalité économique et les métamorphoses successives de l’agrarisme et des représentations qui l’actualisent. C’est un patient travail de collecte et d’édition, mais également de mise en perspective historiographique et critique des interventions à ce colloque et de la bibliographie et des méthodologies mobilisées, que Pierre Cornu et Jean-Luc Mayaud proposent dans ce volume. Une mise en perspective qui s’intéresse tour à tour au rôle de l’agrarisme dans la construction des identités nationales, à son importance dans la dynamique de développement rural contemporaine, aux formes complexes de son instrumentalisation sociale et politique, à sa puissance symbolique éprouvée, et enfin aux formes les plus récentes de sa réinvention, dans la mobilisation de la « question environnementale ». Où il apparaît que, si le paradigme agrarien demande à être finement contextualisé pour révéler sa contribution ambiguë à la production de la modernité, il convient également d’en interroger l’influence dans la production des sciences sociales elles-mêmes, et la définition du « fait rural » que, consciemment ou non, celles-ci contribuent à légitimer.