Tant d’ouvrages sont parus […] sur l’histoire de la Seconde Guerre mondiale à Bordeaux, en Gironde et en Aquitaine ; tant d’archives ont été mobilisées au fur et à mesure de leur collecte et de leur classement ; tant de témoins ont raconté leur histoire individuelle et collective ! Aussi pourrait-on se demander en quoi ce livre de Gerhard Bökel pourrait être utile…
Or je l’ai lu et relu et me suis retrouvé in fine impressionné par la contribution essentielle et novatrice de cette étude, qui paraît 80 ans après la Libération. Elle s’avère novatrice tout simplement, d’abord, parce que son auteur est allemand : il mobilise donc la littérature historienne de son pays ; des fonds d’archives ; des témoignages qu’il a utilisés en levier de ses analyses puis de sa réflexion. C’est un livre franco-allemand. On y lit des documents traduits de l’allemand qui sont puisés dans les dossiers des administrations civiles et militaires en France et en Aquitaine. Et l’on y découvre des portraits des responsables allemands eux-mêmes, pendant le conflit ou à la paix, quand on est censé sanctionner les nazis et les acteurs des violences de l’Occupation.
[…] un aspect est frappant dans ce livre : en sus du simple récit et des analyses chronologiques ou thématiques, il est profondément « humain ». Je veux dire par là qu’il est jalonné de portraits fouillés, ceux des Collaborateurs et administrateurs du système de Vichy (Marquet, Pierre-Alype, Papon, Sabatier, etc.), ceux des Occupants civils et militaires, avec, comme figure emblématique, un Hans Luther qui s’est révélé fort intelligent en tant que chef de la répression puisqu’il a su fédérer les forces françaises et allemandes dans son action, puis fort habile puisqu’il est parvenu à se reconstruire un personnage, après la paix, et être réintégré au sein du système notabiliaire d’après-guerre, tout comme Erich Schwinge ou Friedrich Dohse.
Hubert Bonin