Quand il s’agit de blesser l’Autre, présumé faible et sans défense, l’imagination humaine est sans limites, le vocabulaire s’enrichit – mot contestable – en permanence. Quand, de plus, une communauté humaine est persuadée qu’elle est supérieure, quand elle est seule à posséder le Verbe, majuscule à l’appui, à traduire par mille canaux le regard méprisant ou condescendant, le flot se fait torrent. Durant quatre siècles, la dévalorisation des êtres à peaux noires, basanées, brunes, jaunâtres, croisés, puis soumis au joug, mena à des comparaisons insultantes : ces êtres étaient des sous-hommes, des animaux sans doute légèrement perfectionnés.
Aussi l’ère esclavagiste, puis la période coloniale ont-elles donné naissance à une grande quantité de mots insultants : les Maghrébins étaient des bicots, des crouïats, des troncs… les Noirs des négros, des bamboulas, des chocolats… les Indochinois des nha-qués… Parfois, des mots migraient : ainsi, bougnoules passa des Noirs aux Maghrébins.
Les mots appliqués aux femmes de ces races inférieures connurent un sort parallèle, de bicote à négresse, en passant par bamboulette, etc.