Octobre 1965, vingt ans après la déclaration d’indépendance de la jeune République d’Indonésie. L’alliance du leader historique, le Président Sukarno, avec le Parti Communiste, permet aux syndicats, aux organisations de femmes, aux mouvements de jeunesse, d’être puissants et actifs. Une grande effervescence culturelle règne dans le pays, associant culture traditionnelle et avant-garde. Putu Oka, jeune poète et professeur de lettres, y participe avec ardeur. Soudain, la barbarie envahit la scène : l’armée prend le pouvoir et organise une gigantesque chasse aux « communistes », de fait une élimination systématique de tous les intellectuels et de tous ceux qui pourraient représenter une opposition. En quelques semaines, les « disparitions » et les arrestations se multiplient, et des massacres de masse sont déclenchés. Putu Oka est arrêté et passera dix ans en prison sans jugement. Le traumatisme de cette expérience fait la trame de son ouvrage, muri durant vingt ans après sa libération, et qu’il a gardé caché pour ne le publier qu’à la chute de la dictature. C’est alors un des premiers récits de captivité et, puisque le livre prend la forme d’un roman, le premier texte littéraire sur ce sujet. Roman, donc, mais aussi témoignage historique et plongée à l’intérieur de la civilisation indonésienne. En effet, si la réalité qui a nourri ce texte est sinistre et violente, une foule de personnages le traversent, et lui donnent ses facettes diverses, du réalisme à la fable et à la poésie, de la lucidité politique à la colère, de l’émotion à la folie. Et toujours l’humour préserve du manichéisme, jusqu’au grand point d’interrogation final. Putu Oka Sukanta, né en 1939, vit à Jakarta. Il a publié de nombreux recueils de nouvelles et de poésie et plusieurs romans, ainsi qu’une série de DVD où il rassemble des témoignages d’anciens prisonniers survivants et de leurs familles. Ayant réussi, en prison, à suivre l’enseignement d’un vieux médecin chinois, il est aujourd’hui un praticien acuponcteur réputé, mais aussi un militant pour l’environnement, et contre l’exclusion réservée aux malades du sida. Il est fréquemment invité par diverses universités dans le monde, où il fait des lectures de poésie, et présente ses ouvrages et son combat pour la défense des anciens prisonniers politiques.