« Cimetière des Européens », « terre de la grande punition », « colonie avortée », voilà autant d’expressions qui ont valu à la Guyane une réputation sulfureuse et contribué à sa méconnaissance. D’autres, telles « Fille aînée de la France », « France équinoxiale », ou « vieille colonie » viennent au contraire rappeler combien cette terre a partagé toutes les vicissitudes de l’histoire nationale depuis le XVIIe siècle. Des lendemains de la Grande Guerre, où circule l’idée de la vendre aux États-Unis, au tournant des années 1980 qui voit les Amérindiens s’approprier la citoyenneté française, cet ouvrage permet de retracer le cheminement par lequel s’élargissent les frontières nationales.
Surgit ainsi une galerie de portraits – autochtones amérindiens, bushinenge ou aventuriers missionnaires, « hussards » créoles républicains ou orpailleurs à la recherche de l’Eldorado, fonctionnaires de l’administration coloniale ou préfectorale, dont les écrits et les récits permettent de saisir comment se fortifie outre-Atlantique la communauté nationale, comment en somme se fait France outre-mer. À l’heure où la question de l’identité nationale continue de fracturer la société française, ce détour guyanais invite à repenser aussi bien l’imaginaire de la nation que l’idéal de l’intégration par l’école de la République.