Cet ouvrage constitue le troisième volet consacré par Patrice Morlat à l’Indochine française dans les années 1920. « L’État indochinois » n’est que « colonial », c’est-à-dire sans consensus populaire, et donc sans devenir. Le pouvoir français dans la Péninsule se doit alors de développer un discours politique approprié, destiné aux populations dominées, mais aussi de contribuer réellement à un mieux vivre de la majorité des populations indochinoises. Pour cela, il faut des grands projets d’aménagement : irrigation, routes, chemins de fer, ports, etc. Or la France de 1918 et l’Indochine n’ont plus d’argent. Reste alors le négoce, les investissements, donc les banquiers et les hommes d’affaires. Les relations entre le gouvernement général et la Banque de l’Indochine se nouèrent sous la forme d’un contact entre deux sphères différentes, mais complémentaires dans le monde du pouvoir colonial : la politique et l’économie. Cet ouvrage traite de plusieurs questions essentielles : rôle de l’Institut d’émission dans le fonctionnement de l’État colonial, conflit entre la Banque de l’Indochine et la Banque de Paris et des Pays-Bas dont dépendra le contrôle du champ économique indochinois par l’une ou par l’autre. Autre point rarement évoqué, l’ouvrage se penche sur l’implication des populations vivant en Indochine, dans le processus économique colonial ; notamment le rôle de la bourgeoisie native des trois pays de la Péninsule. Durant la décennie, des réseaux patronaux et bancaires se structurent, unissant les grands groupes et comités patronaux de la métropole et le monde de l’entreprise coloniale locale. Ces grands trusts impériaux auront souvent besoin sur le terrain du relais d’entrepreneurs locaux et de colons. L’Indochine est à mettre en valeur et les années vingt deviennent ainsi, à l’image de la réussite éphémère d’un Octave Homberg, l’âge d’or de l’affairisme et d’un nouvel essor du grand capitalisme impérial. Enfin, l’ouvrage souligne le rôle moins évoqué, mais bien réel, et incontournable, des Chinois résidant et entreprenant en Indochine ; à tel point que la question peut être posée, de savoir si l’Indochine n’était pas en fait, sous un mince vernis français, une colonie économique chinoise…