Afrique du Sud, Côte d’Ivoire, Burkina Faso : des pays où, jusqu’à une date récente, l’islam était politiquement marginal. Il y est devenu, à des degrés divers, un facteur dynamique. Parler de l’expansion de l’islam en Afrique subsaharienne est cependant un lieu trop commun. Le christianisme progresse au Sahel, prenant à revers de vieilles cultures musulmanes. Autre défi, celui de la Ahmadiyya, une organisation moderniste qualifiée d’hérésie par l’islam orthodoxe, mais dont Issa Cissé décrit les progrès importants réalisés au Burkina Faso. La « magie islamique » est un domaine suspect, dédaigné par les islamologues. Pourtant les pratiques talismaniques sont familières aux communautés musulmanes. Ousmane Kane présente et commente l’un de ces objets propitiatoires, un tissu d’origine sénégalaise conservé au Art Museum de Chicago. La question confrérique, autre lieu commun des représentations ordinaires, est revisitée. Jean Copans nous livre un bilan des études mourides et une réflexion sur les derniers avatars de cette confrérie hautement adaptative où se combinent enjeux mondialisés et nationaux autour du territoire saint de Touba. L’orthodoxie sunnite prospère également. En pleine banlieue d’Abidjan, terre de « mission », s’est implanté un centre de formation, dont Issouf Binaté décrit la vie quotidienne et les méthodes d’enseignement, à la fois traditionnelles et modernes. Bakary Traoré s’attaque à la question de la laïcité. Il essaie de naturaliser le concept, en le libérant du poids de la transmission coloniale par le rappel des héritages ouest africains de pluralisme religieux. Un islam africain laïque est donc possible, selon lui, parce qu’il s’inscrit dans cette longue durée des expériences conviviales au sein des communautés historiques. Muhammed Haron montre comment, aux XIXe et XXe siècles, les lettrés musulmans du Cap se sont approprié la langue afrikaans à des fins d’éducation religieuse, produisant un vaste corpus de manuscrits en afrikaans et caractères arabes, comme instrument, non de séparatisme, mais d’intégration. L’auteur souhaite une réintégration dans le patrimoine national de ce patrimoine oublié. Les limites géographiques, politiques, linguistiques et doctrinales habituelles de l’islam subsaharien sont donc bousculées. Ainsi l’image convenue d’un islam africain homogène et traditionnel fait-elle place à une approche plus kaléidoscopique.