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Kouang Tchéou-Wan, colonie clandestine

Un territoire à bail français en Chine du Sud 1898-1946

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Lorsqu’en juillet 1997, la Grande Bretagne res­ti­tua Hong Kong à la Chine, per­sonne ne s’avisa que cette même année, la France aurait elle aus­si dû faire la même chose avec son ancienne pos­ses­sion de Guangzhouwan, et non dès 1946. Acquise comme sa consœur bri­tan­nique en 1898 et pour 99 ans, la dépen­dance fran­çaise était éga­le­ment située en Chine méri­dio­nale, à mi-dis­tance entre Hong Kong et Hanoi – alors capi­tale de l’Indochine fran­çaise. À l’origine, Guangzhouwan n’était offi­ciel­le­ment des­ti­née qu’à accueillir une sta­tion navale avec un dépôt de char­bon ; mais presque immé­dia­te­ment, le gou­ver­neur géné­ral Paul Doumer ima­gi­na d’en faire un « labo­ra­toire colo­nial » en direc­tion des pro­vinces sud de la Chine. L’entreprise, qui était sus­cep­tible de pro­vo­quer le démem­bre­ment de la Chine, fit long feu et ne sur­vé­cut pas au rap­pel du bouillon­nant pro­con­sul en métro­pole, en 1902.

Pendant près d’un demi-siècle, jusqu’au sor­tir de la Seconde Guerre mon­diale, Guangzhouwan fut géré comme une colo­nie et par une colo­nie, dans la plus grande opa­ci­té et avec un soin jaloux, au mépris des déci­sions métro­po­li­taines et des règle­ments inter­na­tio­naux nais­sants. C’est cette tranche d’histoire, lar­ge­ment mécon­nue et pas­sa­ble­ment sul­fu­reuse, ponc­tuée de quelques scan­dales reten­tis­sants et mêlant inex­tri­ca­ble­ment affai­risme et poli­tique, com­merce de l’opium et cri­mi­na­li­té, ten­ta­tives de déve­lop­pe­ment éco­no­mique et rapine coloniale.

L’histoire de cette pos­ses­sion dévoile cer­tains traits de la sen­si­bi­li­té colo­niale, des impasses du colo­nia­lisme fran­çais et des contra­dic­tions insur­mon­tables dans les­quelles il s’est len­te­ment et irré­mé­dia­ble­ment enfer­mé ; les conflits entre minis­tères com­pé­tents tout comme les dis­sen­sions entre Paris et Hanoi, ou encore la trans­for­ma­tion des rela­tions inter­na­tio­nales dans une par­tie émer­gente du monde, qui allait bien­tôt deve­nir un des espaces clés de l’économie mon­diale. Guangzhouwan appa­raît ain­si comme un lieu muet et silen­cieux, à la manière d’un angle mort, mais où se nouent tous les fils – ou presque – de l’univers colonial.

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