Les relations entre l’empire du Milieu et le Nanyang — communément nommé Asie du Sud-Est depuis la deuxième guerre mondiale — remontent à la nuit des temps historiques. Dès la dynastie des Han, qui conquit le Tonkin et l’Annam et, tout au cours des siècles suivant, un système de rapports s’établit entre le centre et ses confins que l’Occident qualifie volontiers de « tributaire ». Un concept que la bureaucratie confucéenne n’avait pas de mot pour le définir et qui, à ses yeux, traduisait « une institution complexe en elle-même et distincte des autres institutions de la société ». Les États du Sud-Est asiatique ne sont pas étrangers à l’empire, dans le cadre d’une « relation tributaire » qui était la seule normale.
Dans ce système, le Fils du Ciel agit avec ses sujets comme un suzerain et traite ses vassaux comme des inférieurs. Celui qui souhaite entrer en relation avec la Chine devient un vassal. Il reçoit un sceau de son suzerain. Il participe ou se fait représenter, à la grande réception annuelle pour le jour de l’an. Il apporte un tribut et reçoit des cadeaux de l’empereur. Les visites des États lointains, moins fréquentes, doivent avoir lieu au moins une fois par dynastie. Le vassal envoie un de ses fils en otage. Ce dernier est élevé à la cour impériale aux frais de l’empereur. Il y apprend à respecter la puissance de l’empire et à s’imprégner de la culture chinoise.
En donnant, en 1989, une leçon au Vietnam, coupable d’avoir envahi le Kampuchea (Cambodge), les dirigeants de la République populaire de Chine s’inscrivaient donc parfaitement dans l’esprit d’une tradition impériale.
Un second trait spécifique des relations de la Chine avec les pays proches est la présence d’une diaspora, constituée au fil des temps et qui, au début du XXIe siècle, représentait la très large majorité des Chinois d’outre-mer (25 millions en 2000 ; 35 en 2050 ?). Héritiers d’une histoire complexe où se mêlent des éléments ethniques, nationaux et culturels, leurs rapports avec les populations indigènes ont offert et offrent des situations variées allant de l’intégration totale à une coexistence pacifique et compétitive, sans qu’aient pu être évités, au cours d’une longue histoire, des heurts parfois d’une extrême violence.
L’auteur analyse l’évolution de ces relations avec la fin de l’Empire chinois et des régimes coloniaux en Asie du Sud-Est, évolution marquée par des conflits nombreux, dont la place des minorités chinoises dans les nouveaux États n’est pas le problème le moins complexe.