Après des années de crises et de tensions marquées par la Guerre d’Espagne, la Seconde Guerre mondiale et l’isolement international du régime franquiste en 1945, la France et l’Espagne reprennent des relations diplomatiques normalisées en 1950 dans le contexte des grandes crises de la guerre froide qui poussent les occidentaux à retrouver des vertus stratégiques à l’Espagne du général Franco. Les relations entre les deux voisins, difficiles par nature, sont rapidement perturbées par la décolonisation. Le partage de facto du protectorat marocain entre les deux pays depuis 1912 en fait des partenaires par nécessité mais des concurrents par ambition. Au lieu de les réunir, la question de l’indépendance de l’Empire chérifien accentue leur rivalité. La France subit la crise marocaine et les autorités du protectorat s’engagent dans une politique de force face au développement du nationalisme et aux résistances du Sultan. Mais Franco souhaite affirmer son pays sur la scène internationale et cherche à restaurer ses positions au Maroc en s’opposant à la politique menée à Rabat et à Paris. La déposition du Sultan d’août 1953 et la crise dynastique attisent les tensions entre les deux puissances. La marche vers l’indépendance est longue et difficile entre 1954 et 1956. La France et l’Espagne ne peuvent pas trouver une solution commune, et après l’insurrection du Rif de septembre 1955, le gouvernement français s’évertue à maintenir l’Espagne hors des négociations sur la question dynastique. Franco, isolé, subit le processus, et doit consentir à la réunification du Maroc lors de l’indépendance en 1956. La France et l’Espagne doivent désormais composer avec le nouveau régime marocain de Mohamed V. Ce sont finalement les revendications marocaines sur le Sahara occidental appuyées par l’infiltration de l’Armée de libération qui finissent par rapprocher la France, obsédée par la sécurité de l’Algérie, et l’Espagne, qui se réoriente vers l’Europe pour accompagner ses mutations économiques. La spectaculaire opération militaire conjointe de février 1958 pour reprendre le contrôle du Sahara symbolise ce rapprochement encore fragile. Les deux pays entrent dans une nouvelle phase de coopération en Europe et Afrique du Nord, mais dans une relative discrétion que de Gaulle lèvera progressivement après son arrivée au pouvoir.