La délicate transition des années 1950, au Viêtnam – de la puissance coloniale française à la protection américaine – illustre la complexité des relations entre puissances occidentales, au sein d’une même alliance. L’Indochine offre alors un exemple exceptionnel de transfert d’empire, d’une « translatio imperii » que l’on peut dater avec précision : 1954.
Jusqu’à la catastrophe finale, le gros handicap de la France procède du fait qu’elle ne nourrit aucun projet digne de ce nom pour le Vietnam et qu’elle ne réussit jamais à définir à quoi devrait ressembler exactement l’Union française créée le 27 octobre 1946.
Rompant avec ses prédécesseurs, l’administration Eisenhower se montre autant anticolonialiste que favorable à l’idée que les futurs États décolonisés préservent des liens consubstantiels avec la France. Une période de deux ans s’ouvre en 1953 – 1954 – de l’investiture d’Eisenhower à Diên Biên Phù – durant laquelle, la France aurait pu acheter clé en main le projet américain, avec une chance de maintenir son influence dans son empire en voie d’émancipation.
Mais la volonté d’exporter les valeurs américaines se heurte frontalement aux méthodes du vieux continent, la France en l’occurrence. C’est tout ou rien. Les deux grammaires géopolitiques, la grammaire française et la grammaire américaine ne peuvent pas s’exprimer ensemble, en même temps, au même endroit.