L’histoire du Premier Empire a jusqu’ici été l’objet d’approches événementielles et militaires, de biographies fleuves ou de récits anecdotiques. Le nouvel ouvrage que propose Natalie Petiteau, reconnue en France et à l’étranger comme l’une des meilleures spécialistes de la période, propose une lecture inédite des années 1800 – 1815 en portant son regard non pas sur Napoléon, mais sur les millions de Français qui ont vécu sous son règne afin de savoir comment ils ont reçu et perçu ce régime. Alors qu’ils sortaient de dix ans d’une Révolution qui avait commencé à les initier aux pratiques de la démocratie, les Français ont renoué sans révolte retentissante avec un régime monarchique qui a du reste légué au XIXe siècle une légende aux répercussions politiques importantes : il n’est pas innocent que le premier président de la République, élu au suffrage universel, ait été un Bonaparte… C’est dire que la compréhension du XIXe siècle passe par une lecture attentive de la façon dont l’Empire a été vécu dans les villages et les cités, parmi les humbles comme au sein des salons de la bonne société parisienne ou provinciale. Il s’agit donc d’observer ici non plus les célèbres attentats ou complots, non plus les réactions des grands personnages du régime. Le travail ici présenté, fondé sur la lecture minutieuse de nombreuses sources d’archives, à Paris comme en province, vise à saisir ce qu’était « l’état des esprits », pour reprendre la terminologie d’alors, qui s’exprime dans un espace public moins atone qu’on ne l’a longtemps dit. Cet ouvrage s’inscrit donc de surcroît dans une histoire de l’opinion publique jusqu’alors totalement négligée pour cette période, tant on considérait que le régime impérial l’avait totalement étouffée. Il éclaire, ce faisant, la façon dont s’est imposée, dans la vie politique française contemporaine, la référence à l’homme charismatique et omnipotent.