Au moment où Louis XIV affirme ses ambitions océaniques, une vague de récits de voyage et d’objets étrangers déferle sur le royaume, manifestant ainsi l’intensification des circulations intercontinentales et un certain goût pour le lointain. Elle accompagne au jour le jour les expéditions militaires dans la mer Méditerranée et l’océan Atlantique, les explorations en Amérique du Nord et les établissements esclavagistes dans les Antilles et à Cayenne. Les récits sont l’œuvre des agents impliqués dans cette première mondialisation favorisée par Colbert : colons, flibustiers, officiers de la Marine, missionnaires et marchands au long cours. Si chaque groupe tente d’infléchir l’agenda de la politique maritime et coloniale du Roi Soleil, tous ont en commun de recourir à l’écriture.
En reconstituant les pratiques d’écriture des voyageurs, ce livre met en évidence toutes sortes d’intermédiaires : du libraire parisien au commis de la Marine, du traducteur des livres de conquistadors au censeur royal, des premiers journalistes aux collectionneurs curieux. Grâce à ces hommes de lettres, à ces spécialistes de la publication ou à de simples secrétaires, les voyageurs accèdent aux lieux de pouvoir où leur voix peut porter.
À la croisée de l’histoire coloniale et de l’histoire du littéraire, l’enquête de Maxime Martignon éclaire d’une lumière nouvelle le rôle décisif de Michel Bégon (1638−1710), intendant de Rochefort et l’une des plumes du Code noir, dans cette entreprise de promotion des outres-mers après la mort de Colbert. Comme d’autres serviteurs de l’État royal, il a su tirer parti de ces nouveaux outils de la communication politique qu’étaient les périodiques imprimés pour faire connaître son action et contribuer à façonner l’image d’un Roi Soleil rayonnant sur les rivages lointains.