« Mais c’est l’image d’un galopin ! », s’exclama mon épouse Gillian 1lorsqu’elle vit pour la première fois la photo ci-contre. […] « Tu dois utiliser le terme galopin pour le titre de tes Mémoires », décréta la romancière Barbara Taylor Bradford. Elle et son mari, né à Berlin, sont nos amis depuis plus d’un quart de siècle. Cette photo a été prise à Leipzig durant la Seconde Guerre mondiale alors que j’avais sept ans environ. Ma vie était alors rythmée par les bombardements aériens nocturnes. Il y avait également, parfois, des alertes de jour. Lorsque cela n’était pas le cas, j’allais à l’école le matin et entreprenais l’après-midi des expéditions pour explorer les ruines fumantes des appartements voisins. Je jouais des tours aux conducteurs de tramways et à leurs passagers. J’étudiais la musique avec ma mère et, avec ma grand-mère, le Petit catéchisme de Luther et l’histoire de la dynastie de Saxe. Pour elle, faire de son petit-fils un chrétien et un monarchiste était le meilleur moyen de le protéger de l’idéologie nationale-socialiste, terriblement envahissante. Je suis né à Leipzig, où l’on appelle les galopins, Griewatsch. Comme tous les galopins des villes, nous étions espiègles et avions la langue bien pendue, mais ni les bombes ni la faim, ni les souffrances personnelles nous poussaient à nous plaindre. C’est le message central de ce livre : « Un document humain, une petite chronique de l’âme de pratiquement toute une génération », a écrit l’historien Michael Stürmer dans sa préface à l’édition en allemand de mes Mémoires ».
Uwe Siemon-Netto